Un jeu de pistes en miroirs déformants

"Ali Amour" de Michèle Bayar

Auteure de livres pour enfants et de nouvelles, animatrice d’ateliers d’écriture, coordinatrice de jumelages d’établissements scolaires entre la France et la Tunisie, Michèle Bayar vient de signer son premier livre « pour adultes ».

Il a titre Ali Amour. Et met en scène … hum, ne vous y fiez pas trop, ce n’est pas si simple, mais enfin oui, ça commence ainsi : l’héroïne est Andrée Amour, une auteure pour la jeunesse. Tiens, tiens…Et non, Amour ce n’est pas un pseudonyme c’est un nom arabe, Omar peut-être. Si je vous le dis d’emblée, c’est que ça se trouve dans les premières lignes du livre, je ne déflore donc pas le sujet.

Certes pas, car Michèle Bayar va nous embarquer dans un embrouillamini de fictions mené, non pas par Andrée, plutôt calme dans son coin, où elle rumine quelque rupture d’amour (ah, encore l’amour !!) mais par Simone, la créature qu’elle a inventée, façonnée, confectionnée pour raconter sa vie en la romançant quelque peu. Le grand art de Simone, c’est qu’elle transgresse toutes les règles ; elle fait surgir des personnages disparus : la mère, le père, d’Andrée - c’est lui qui s’appelle Ali Amour – avec qui Andrée va mener un tête-à-tête obsédant et obstiné. Mais Simone sait aussi par moments prendre la place d’Andrée, la houspiller, essayer de la faire sortir de ses gonds. Simone sait aussi, et là pour vous mélanger les pédales, il n’ ya pas mieux, faire revivre à Andrée son enfance, d’autres moments de sa vie. Simone transgresse tout : l’espace, les personnages, le temps. Et on la suit avec jubilation, avec elle on joue à saute-mouton, avec elle on se perd dans les méandres des pensées et des gestes des personnages, on essaie de saisir leurs contradictions, on se glisse dans leurs humeurs et leur humour, on règle leurs comptes avec eux, nimbés par l’évocation mythique des forteresses perdues dans les sables et de toutes les chimères qu’elles engendrent.

Le roman de Michèle Bayar est un kaléidoscope : avec des images nettes quand l’auteur le stabilise furtivement, avec un tourbillon d’éclats qui fusent en tous sens, dans les tons sépias lorsque l’histoire est grave et se perd dans les non-dits, dans un foisonnement de couleurs lorsque la gaité et la vie prennent le dessus.

Vous aimerez « Ali Amour » un si joli titre, et lorsque vous l’aurez terminé, comme moi, vous aurez envie d’y revenir.

Yvette Lucas

Michèle Bayar« Ali Amour » Orizons Littérature 17 €